« Le début du mois béni de Ramadhān est une miséricorde, le milieu un pardon et la fin un affranchissement du feu de l’Enfer »

Que se soit sur les réseaux sociaux ou dans les prêches du Vendredi, les conférences, les cours ou autres, on entend souvent que le Prophète aurait dit « Le début du mois béni de Ramadhān est une miséricorde, le milieu un pardon et la fin un affranchissement du feu de l’Enfer. », seulement cela  est faux et vient contredire de nombreux hadith prophétiques authentiques.

En effet, il a été rapporté dans un long hadith que Selmān Al-Fārisī رضي الله عنه aurait dit : « Le Messager nous adressa un sermon au cours du dernier jour de Sha۶bān dans lequel il a dit : « Ô hommes ! Vous allez entrer dans un mois important, un mois béni, un mois qui compte une nuit [pendant laquelle l’œuvre accomplie] est meilleure que [cette même œuvre accomplie pendant] mille mois. Allah a rendu son jeûne obligatoire et la veillée de ses nuits en prière surérogatoire. Quiconque y accomplit une bonne œuvre [surérogatoire] est comme quelqu’un qui observe une action obligatoire en dehors de ce mois. Quiconque y accomplit une action obligatoire est comme quelqu’un qui accomplit 70 actions obligatoires en dehors du Ramadhān. C’est le mois de la patience, et la récompense de la patience sera l’admission au paradis. C’est un mois de consolation mutuelle et un mois au cours duquel la subsistance accordée au croyant est décuplée. Quiconque y donne à un jeûneur de quoi rompre son jeûne, obtiendra le pardon de ses péchés et son affranchissement de l’enfer. Il sera récompensé pour cet acte sans que sa récompense initiale soit diminuée. » Les Compagnons dirent : « Nous n’avons pas tous quelque chose à offrir à un jeûneur ? » Il reprit : « La récompense en question sera donnée par Allah, même à quelqu’un qui n’aurait donné à un jeûneur qu’une datte ou une gorgée d’eau ou de lait. C’est un mois dont le début est une miséricorde, le milieu un pardon et la fin un affranchissement de l’enfer. Quiconque allège les charges de son esclave, obtiendra le pardon d’Allah et son affranchissement de l’enfer .Multipliez y quatre types d’action ; deux vous permettant de satisfaire votre Seigneur, et deux dont vous ne pouvez pas vous passer. Quant aux deux qui satisfont votre Seigneur, il s’agit d’attester qu’il n’y a pas de divinité en droit d’être adorée si ce n’est Allah et de solliciter son pardon. Quant aux deux dont vous ne pouvez pas vous passer, il s’agit de Lui demander de vous permettre d’accéder au paradis et de demander Sa protection contre l’enfer. Quiconque rassasie un jeûner, Allah l’abreuvera de mon bassin de manière qu’il n’éprouvera plus de soif jusqu’à son entrée au paradis. ». » (1)

Néanmoins, ce hadith est faible car toutes ses chaînes de transmission passent par ۶Alī ibn Zayd ibn Jud۶ān qui a été qualifié de faible par de nombreux imams du jarh wa ta۶dīl, tel que l’imam Ahmed et l’imam Ibn Ma۶īn et d’autres (2). L’imam Ibn Khuzaymah a expliqué la raison pour laquelle il a ainsi été considéré lorsqu’il a dit à son sujet : « Nous n’avons pas besoin de [ses récits] à cause de sa mauvaise mémorisation. » (3)

C’est pour cela que ce hadith a été jugé de faible par de nombreux muhaddithūn, tel que  l’imam Ibn Khuzaymah (4), Al-Hāfith Ibn Hajar (5) et autres. L’imam Abū Hātim (6) ainsi que Cheikh Al-Albānī (7) sont même allés jusqu’à le qualifié de munkar (8).

Aussi, dans une version porche de celle-ci il a été rapporté d’après Abū Hureyrah رضي الله عنه que le Messager d’Allah aurait dit : « Le début du mois de Ramadhān est une miséricorde, le milieu un pardon et la fin un affranchissement de l’enfer. » (9)

Cependant, ce hadith est lui aussi fortement faible car il y a dans sa chaîne de transmission Salām ibn Sulaymān ibn Suwār qui a été considéré de faible par les imams du jarh wa ta۶dīl (10).

De plus, l’imam Abū Hātim a dit à propos du transmetteur de qui il rapporte ce hadith, Maslamah ibn As-Salt : « … son hadith est rejeté » (11).

Ce hadith est alors lui aussi munkar comme l’a dit Cheikh Al-Albānī (12).

De plus, comme dit au début de ce modeste article, ces deux hadith en contredisent d’autres qui sont eux authentiques et démontrent que la miséricorde et le pardon sont présents du début à la fin de Ramadhān et qu’Allah affranchit certains de Ses serviteurs chaque nuit de celui-ci. Contrairement à ces deux hadith qui restreignent la miséricorde au début de ce mois béni, le pardon à sa moitié et l’affranchissement de L’Enfer à sa fin.

Ainsi, parmi les hadith [authentiques] démontrant que la miséricorde est présente du début à la fin du mois béni de Ramadhān il y a le hadith rapporté dans le recueil de l’imam Al-Bukhārī et de l’imam Muslim d’après Abū Hureyrah رضي الله عنه le Messager d’Allah a dit : « Quand arrive le mois de Ramadhān les portes de la miséricorde sont ouvertes … » (13)

Cela prouve bien que la miséricorde est présente depuis le commencement du mois béni de Ramadhān et cela jusqu’à sa fin.

Quant à ce qui confirme que le pardon est présent du début à la fin du mois béni de Ramadhān il y a le hadith rapporté aussi dans le recueil de l’imam Al-Bukhārī et de l’imam Muslim d’après Abū Hureyrah رضي الله عنه le Messager d’Allah a dit : « Celui qui jeûne Ramadhān par conviction et en espérant [la récompense divine], se verra pardonner ses péchés antérieurs … » (14)

Ceci montre donc que le pardon est présent depuis le début du mois béni de Ramadhān et cela jusqu’à sa fin.

Enfin, ce qui prouve qu’Allah affranchit certains de Ses serviteurs chaque nuit du mois béni de Ramadhān il y a le hadith [authentique] dans lequel Abū Umāmah رضي الله عنه a rapporté que le Prophète a dit : « Certes, Allah affranchit [des gens] à chaque rupture de jeûne. » (15)

De ce fait, même si les deux hadith sujets de cet article ne traitent pas des preuves légales et de ce qui est lié au jugement religieux impliquant une chose interdite ou obligatoire, il n’est pas permis de les citer au vue de leur contradictions avec ces hadith authentiques. Et tout particulièrement en les attribuant au Messager d’Allah qui, dans un hadith authentique, a dit : « Quiconque rapporte de moi un hadith qu’il pense être un mensonge est alors un des menteurs. » (16)

Demandant à notre Seigneur de nous accorder la connaissance, le suivi et la pratique de la Sunnah [authentique] de notre Prophète Muhammed  et de nous compter parmi ceux à propos desquels le Messager d’Allah  a dit « Celui qui montre un bien a la même récompense que celui qui l’a fait. » (17)

Écrit par :

Abū ۶Abd Ar-Rahmān ۶Ādil ibn ۶AbdiLlah As-SiqilīpastedGraphic.png

1 : Rapporté par Ibn Khuzaymah (T : 2 / P : 475 / n°: 1976) – édition « Dar At-Ta’sīl » –, Al-Mahāmilī  (n°: 293) – version de Ibn Yahyā Al-Bayi۶, Al-Bayhaqī dans « shu۶ab al-‘īmān » (T : 3 / P : 305 / n°: 3608) et Al-Asbahānī dans « at-targhīb wa at-tarhīb » (T : 2 / P : 349 / n°: 1753).

2 : Voir « tahdhīb at-tahdhīb » (T : 7 / P : 322).

3 : Voir « tahdhīb at-tahdhīb » (T : 7 / P : 322).

4 : Voir « sahīh ibn khuzaymah » (T : 2 / P : 475 / n°: 1976) – édition « Dar At-Ta’sīl » –.

5 : Voir « ‘ithāf al-maharah » (T : 5 / P : 560 / n°: 5941).

6 : Voir « al-۶ilal » (T : 3 / P : 109 / n°: 733).

7 : Voir « silsilah al-ahādīth ad-dha۶īfah » ( T : 2 / P : 262 / n°: 871).

8 : Le hadith munkar est lui aussi l’une des catégories du hadith faible. Les muhaddithūn utilisent généralement ce terme pour qualifier la narration d’un rapporteur considéré de faible – dha۶īf – qui contredit celle d’un autre transmetteur considéré de meilleure mémorisateur ou plus fiable et digne de confiance.

9 : Rapporté par Al-۶Uqaylī dans « ad-dhu۶afā’ al-kabīr » (T : 2 / P : 162), Ibn ۶Ādī dans « al-kāmil fī dhu۶afā’ ar-rijāl » (T : 4 / P : 325), Al-Khatīb dans « al-muwadhah li’awhām al-jam۶ wa at-tafrīq » (T : 2 / P : 149).

10 : Voir « ad-dhu۶afā’ al-kabīr » (T : 2 / P : 162), « al-kāmil fī dhu۶afā’ ar-rijāl » (T : 4 / P : 323) et « mīzān al-‘i۶tidāl » (T : 2 / P : 178).

11 : Voir « al-jarh wa at-ta۶dīl » (T : 8 / P : 269 / n°: 1228).

12 : Voir « silsilah al-ahādīth ad-dha۶īfah » ( T : 4 / P : 70 / n°: 1569). 13 : Voir Al-Bukhārī (T : 3 / P : 73 / n°: 1909) – édition « Dar At-Ta’sīl » – et Muslim (T : 3 / P : 281 / n°: 1091) – édition « Dar At-Ta’sīl » –.

14 : Voir Al-Bukhārī (T : 3 / P : 133 / n°: 2024) – édition « Dar At-Ta’sīl » – et Muslim (T : 2 / P : 498 / n°: 2/760) – édition « Dar At-Ta’sīl » –.

15 : Rapporté par Ahmed (T : 3 / P : 538 / n°: 22202) – édition « Mu’ssasat Ar-Risālah » , At-Tabarānī (T : 8 / P : 340 / n°: 8088) et Al-Bayhaqī dans « shu۶ab al-‘īmān » (T : 3 / P : 360 / n°: 3605). 16 : Rapporté par Ahmed (T : 30 / P : 121 / n°: 18184) et (T : 30 / P : 150 / n°: 18211), At-Tayālisī (T : 2 / P : 69 / n°: 725), At-Tirmidhī (T : 3 / P : 537 / n°: 2866) – édition « Dar At-Ta’sīl » –, At-Tahāwī (T : 1 / P : 373 / n°: 423), At-Tabarānī (T : 20 / P : 422 / n°: 1020), selon Al-Mughīrah ibn Shu۶bah رضي الله عنه. Ce hadith a été authentifié par l’imam At-Tirmidhî (T : 3 / P : 306) – édition « Dar At-Ta’sīl » –, et Cheikh Al-Albānī dans « sahīh at-tirmidhī » (T : 3 / P : 62 / n°: 2662).

17 : Rapporté par Muslim (T : 5 / P : 218 / n°: 1944) – édition « Dar At-Ta’sīl » –, selon Abū Mas۶ūd رضي الله عنه