﷽
« Chacun peut voir sa parole acceptée ou rejetée, sauf [le Prophète ﷺ] » (1)
Cette célèbre parole, attribuée à l’imām Mālik رحمه الله, rappelle que la vérité ne se reconnaît qu’à la lumière de la preuve, non à la réputation ou au statut de celui qui la formule. Elle résume à elle seule la méthode de l’Islam : la science se fonde sur la preuve, et non sur la simple conviction.
La prétention à la vérité repose donc sur la démonstration, non sur la force du ton ou la sincérité de l’intention. Et la rigueur, dans toute recherche ou tout enseignement, n’est pas une option ni un luxe : elle est la condition même de la crédibilité du discours, surtout lorsqu’on cherche à défendre un choix intellectuel.
C’est dans ce cadre que s’inscrit la publication du frère Yanis Abū ʿImrān حفظه الله, intitulée : « Traduire le mot Tawhîd par Unicité ? » Une courte publication diffusée sur son canal Telegram(2), dans laquelle il affirme que la traduction par « Unicité » serait la plus proche du sens du mot Tawḥīd.
Il ne s’agit pas ici de trancher pour ou contre l’usage du mot « Unicité » pour traduire Tawḥīd. Ce terme, lorsqu’il est employé avec discernement, peut être recevable dans certains contextes. Ce qui doit en revanche être examiné, c’est la prétention selon laquelle la traduction par « Unicité » serait la plus proche du sens du mot Tawḥīd, ainsi que la manière dont cette idée est défendue et justifiée.
Autrement dit, le problème ne réside pas dans le mot lui-même, mais dans la méthode de son argumentation et de sa démonstration.
Il est d’ailleurs important de rappeler dès maintenant que les choix de traduction — sauf lorsqu’ils contredisent le sens originel, la croyance authentique ou qu’ils induisent une ambiguïté doctrinale — relèvent d’une liberté intellectuelle légitime. Ainsi, il n’existe pas une seule manière de traduire un mot, mais plusieurs approches possibles, tant que le débat reste fondé sur la preuve et le respect.
Les différences de traduction ne devraient donc jamais être une source de division ou de polémique, mais au contraire une occasion de réflexion et d’enrichissement.
Le propos de ce modeste article est donc de revenir, dans un esprit de fraternité et de rigueur intellectuelle, sur la thèse selon laquelle la traduction par « Unicité » serait la plus proche du sens du mot Tawḥīd, ainsi que sur les arguments avancés par Yanis Abū ʿImrān pour justifier cette position, afin d’en mesurer la solidité sur le plan scientifique.
1. Entre bonne intention et absence de méthode
En effet, dans toute démarche scientifique, la sincérité ne saurait remplacer la rigueur, pas plus que la bonne volonté ne tiendrait lieu de méthode. Et c’est, tout d’abord, sur ce point que la publication de Yanis Abū ʿImrān وفقه الله pose question.
Son intention — rappeler la profondeur de ce terme central de la foi, dont la portée linguistique et théologique est immense — peut être saluée, mais la manière dont il la défend soulève plusieurs difficultés. Il y avance en effet plusieurs convictions personnelles présentées comme des affirmations établies, sans fournir d’appui scientifique clair.Il écrit par exemple : « Traduire le mot Tawhîd par Unicité est en effet la traduction la plus proche … »
Mais sur quoi repose une telle affirmation ? Selon quels critères ? Sur quelles bases linguistiques, doctrinales ou traductologiques ?
Lorsqu’une idée est avancée sans sources, elle révèle un manque de rigueur — surtout lorsqu’elle vient d’un étudiant en sciences religieuses, formé auprès de savants et titulaire de diplômes.
Plus la parole émane d’une personne connue pour son apprentissage, plus la responsabilité méthodologique est grande.
Un tel profil devrait, justement parce qu’il se réclame d’une démarche scientifique, appuyer chacun de ses propos sur des références précises et vérifiables.
Le rôle de l’étudiant comme du prédicateur est d’enseigner aux gens à suivre la preuve, non la personne. Et la vérité n’est reconnue que par la force de la preuve, non par le prestige de celui qui la prononce. C’est là un principe fondamental de la tradition islamique : la valeur d’un discours se mesure à la force de son argument, non à la notoriété de celui qui l’avance.
C’est pourquoi la citation des sources et la démonstration par la preuve constituent l’essence même de la méthodologie islamique et scientifique.
2. Une affirmation non démontrée
Ensuite, Yanis Abū ʿImrān وفقه الله écrit sans détour : « Traduire le mot Tawhîd par Unicité est en effet la traduction la plus proche … »
Mais sur quoi repose une telle certitude ?
Lorsqu’on s’exprime sur un sujet scientifique, une affirmation de ce type exige un cadre de référence précis et une démonstration fondée. Or, en traductologie, il n’existe d’ailleurs pas de « traduction parfaite »(3), mais on parle plutôt d’équivalences possibles, selon l’objectif poursuivi par le traducteur. Ces équivalences peuvent viser à :
. restituer le sens (équivalence sémantique) ;
. reproduire l’effet sur le lecteur (équivalence dynamique) ;
. ou remplir une fonction précise dans le texte d’arrivée (équivalence fonctionnelle)(4).
Ainsi, affirmer qu’une traduction est « la plus proche » n’a de sens que si l’on en définit clairement les critères :
. sémantiques, c’est-à-dire le contenu du sens ;
. morphologiques, relatifs à la structure du mot ;
. ou fonctionnels, liés à l’usage et à la finalité du texte.
Or, dans le propos de Yanis Abū ʿImrān, aucun de ces critères n’est précisé. En l’absence de ces éléments, l’affirmation ne repose donc sur aucun fondement scientifique.
De plus, dire qu’un mot serait « la traduction la plus proche » parce qu’il est employé par « la quasi-totalité des traducteurs » ou qu’il serait « compris par tout le monde » ne relève pas d’une démonstration scientifique, mais d’une simple observation d’usage ou d’une opinion personnelle. Ces arguments décrivent un constat sociolinguistique, non une preuve de justesse. Ils peuvent, au mieux, expliquer une habitude de traduction, mais ne suffisent pas à garantir la justesse du mot — ni sur le plan linguistique, ni sur le plan doctrinal.
L’analyse lexicale elle-même contredit d’ailleurs cette affirmation de Yanis Abū ʿImrān. Le mot Tawḥīd dérive en effet du verbe waḥḥada (وحد), qui exprime une action causative et intensive : « faire un », « rendre unique », « affirmer l’unicité »(5). Son nom d’action (maṣdar), Tawḥīd, désigne donc l’acte d’unifier ou d’affirmer l’unicité d’Allah(6).
Le mot français « Unicité », en revanche, ne désigne pas une action, mais un état ou une qualité : « le fait d’être un, unique »(7). Selon les dictionnaires de référence comme le Dictionnaire de l’académie française, le Robert, il s’agit d’une qualité statique, notion qui correspond davantage au terme arabe waḥdāniyya (وحدانية) qu’à Tawḥīd.
Ainsi, Tawḥīd désigne l’acte du serviteur qui affirme et consacre cette unicité, tandis que « Unicité » exprime l’attribut d’Allah lui-même. Confondre l’un avec l’autre, c’est passer du verbe à l’attribut. Autrement dit, du processus actif à la propriété statique, ce qui remet en question l’idée que cette traduction serait « la plus proche ». Autrement dit, même d’un point de vue purement linguistique, le mot « Unicité » n’est pas la traduction « la plus proche ».
La correspondance la plus fidèle serait plutôt « Unification »(8), puisqu’elle partage la même forme nominale d’action que Tawḥīd. Cependant, sur le plan théologique ce terme peut prêter à confusion en français, car « unifier » évoque souvent l’idée de « rendre un », alors que le sens voulu est « affirmer qu’Allah est Un ». Le serviteur n’unifie donc pas Allah au sens de créer Son unicité — il reconnaît, proclame et affirme l’unicité d’Allah, qui est Unique par essence et par perfection.
En résumé, les critères traductologiques comme l’analyse linguistique montrent que l’affirmation de Yanis Abū ʿImrān, selon laquelle « traduire le mot Tawḥīd par Unicité est en effet la traduction la plus proche », est fausse et infondée.
3. L’argument du “consensus des traducteurs” : entre perception et réalité
Yanis Abū ʿImrān وفقه الله ajoute ensuite : « C’est sur cette traduction que s’accordent la quasi-totalité des traducteurs, sans qu’aucune fitna n’en soit résultée. »
Une telle affirmation, présentée comme un « consensus », peut paraître convaincante au premier abord. Mais, à l’examen scientifique, elle s’avère fragile. En effet, un consensus n’a de valeur que s’il repose sur un corpus défini, des critères précis et une méthode de vérification claire. Or, Yanis Abū ʿImrān ne précise rien de tout cela : aucune source, aucun nom, aucune comparaison.
Qui sont donc ces « traducteurs » exactement ?
Des prédicateurs bilingues, des étudiants autodidactes, ou des traducteurs professionnels formés ?
Sans distinction entre ces profils, l’argument du nombre ne prouve rien : il décrit une tendance, non une validité ou la justesse d’une traduction.
Les spécialistes de la traduction rappellent d’ailleurs que la justesse d’un mot ne se mesure pas à sa fréquence d’emploi, mais à la correspondance entre sa fonction et son sens dans les deux langues(9). Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un mot est courant qu’il est juste. L’usage répété ne suffit pas à établir la fidélité d’une traduction.
L’absence de méthode comparative
Pour qu’un véritable « accord quasi-total des traducteurs » puisse être établi, il faudrait s’appuyer sur une étude comparée rigoureuse, comprenant par exemple :
. la consultation des principaux dictionnaires bilingues et ouvrages terminologiques spécialisés ;
. l’analyse de traductions publiées dans différents contextes ;
. ou encore la comparaison de l’usage réel des termes « Unicité », « Monothéisme » ou Tawḥīd dans la littérature islamique francophone.
Sans un tel travail de vérification, l’idée d’un « accord quasi-total des traducteurs » reste une impression subjective. Elle repose davantage sur le sentiment que « beaucoup le disent », plutôt que sur une véritable démarche de vérification. Or, comme dans les sciences religieuses, l’argument d’autorité ne remplace jamais la force de la preuve.
L’épreuve des faits : un « accord » non avéré
L’observation du paysage francophone musulman montre d’ailleurs l’inverse de ce prétendu « accord quasi-total des traducteurs ». En examinant les choix de traduction du mot Tawḥīd dans les maisons d’édition et les publications en ligne, on constate une réelle diversité d’usages :
. certains conservent le mot arabe translittéré Tawḥīd tel quel sans le traduire(10),
. d’autres optent pour « Monothéisme »(11),
. d’autres ajoutent une glose explicative, comme « l’unicité divine » ou « l’affirmation de l’unicité d’Allah ».
Cette diversité d’usages, observable aussi bien dans les maisons d’édition francophones (Tawbah(12), Ibn Badis(13), etc.) que dans les publications de prédicateurs ou d’étudiants, contredit clairement l’idée d’un « accord quasi-total des traducteurs ».
En réalité, cet « accord quasi-total des traducteurs » n’existe ni dans les faits, ni dans les textes. Il ne s’agit que d’une impression personnelle de Yanis Abū ʿImrān, sans valeur scientifique, qui ne prouve en rien que « traduire le mot Tawḥīd par Unicité » serait « la traduction la plus proche… ».
4. Du constat d’usage à la preuve scientifique : un glissement à éviter
Yanis Abū ʿImrān وفقه الله écrit ensuite : « Le mot est désormais entré dans la terminologie (al-iṣṭilāḥ) des musulmans francophones et dans l’usage courant (al-ʿurf al-luġawī). Il est employé et compris par les enseignants, traducteurs et lecteurs, et accepté de tous. »
Cet argument s’appuie sur un constat réel. Le mot « Unicité » est effectivement devenu familier dans le discours religieux francophone. Reconnaître cet usage partagé n’est donc pas dénué de sens. Mais il faut distinguer le simple constat d’usage d’un mot de la démonstration de la justesse de son sens.
L’usage d’un mot, aussi répandu soit-il, décrit une habitude linguistique. Mais cette habitude ne suffit pas à prouver que le mot traduit correctement le concept qu’il prétend rendre. Autrement dit, la popularité d’un terme ne garantit pas sa précision. En traduction comme en théologie, ce n’est pas la fréquence d’un mot qui compte, mais sa fidélité au sens original et la justesse de sa fonction dans la langue d’arrivée.
Invoquer l’usage pour justifier le choix du mot « Unicité » revient ainsi à confondre observation et démonstration. Un tel raisonnement consiste à tenir une idée pour vraie simplement parce qu’elle est largement partagée. Or, en science comme en religion, la majorité n’a jamais été un critère de vérité. Ce n’est pas parce qu’un mot circule qu’il transmet fidèlement la signification du texte source.
D’ailleurs, si l’on suivait ce raisonnement jusqu’au bout, il se retournerait contre lui-même, car le mot Tawḥīd est, lui aussi, entré dans la terminologie et l’usage courant des musulmans francophones. Il est aujourd’hui employé, compris et accepté par les enseignants, traducteurs et lecteurs. Selon ce même critère d’usage, il n’y aurait donc plus lieu de le traduire du tout.
L’argument d’usage avancé par Yanis Abū ʿImrān pour justifier que la traduction par « Unicité » serait la plus proche du sens de Tawḥīd est donc faible et sans fondement scientifique, que ce soit sur le plan linguistique ou théologique.
5. L’absence de confusion n’est pas une preuve de justesse
Yanis Abū ʿImrān وفقه الله poursuit : « Le problème de compréhension qui pourrait être lié à l’un de ses sens ou à son étymologie ne s’est jamais réellement posé. Mettre l’accent sur ce point n’est donc pas nécessaire. »
Cet argument demeure, là encore, insuffisant sur le plan scientifique. Le fait qu’aucune confusion majeure n’ait été relevée ne prouve pas que le terme soit juste ou approprié ; cela montre simplement que la question n’a pas encore été étudiée en profondeur. En d’autres termes, l’absence de controverse ne prouve pas la justesse d’un mot, mais souvent le manque d’analyse critique.
L’exemple donné par Zayd al-Faransī حفظه الله, à propos du terme « polygamie » illustre bien ce point. Il a montré, à juste titre, que le mot « polygamie » ne traduisait pas correctement le terme taʿaddud, et que le mot exact était « polygynie »(14). Pourtant, le mot « polygamie » était, lui aussi, depuis longtemps entré dans l’usage des musulmans francophones. Il était compris, employé et accepté de tous, et « le problème de compréhension qui pourrait être lié à l’un de ses sens ou à son étymologie ne s’était jamais réellement posé ». Mais cette absence de débat n’en faisait pas un mot juste pour autant.
L’étude de Zayd al-Faransī a précisément montré que la compréhension partagée d’un mot ne garantit pas sa justesse linguistique, et qu’un terme peut être largement admis tout en demeurant impropre, imparfait sur le plan sémantique. Et personne, à l’époque, n’a prétendu qu’« aucun problème de compréhension ne s’était jamais réellement posé » ni que « mettre l’accent sur ce point n’était pas nécessaire … » Au contraire, ce débat a été salué comme légitime et bénéfique, car il portait sur une question de fidélité terminologique, non sur une simple question d’usage.
Si l’on a reconnu cette erreur pour le mot « polygamie », pourquoi agir autrement avec le mot « Unicité » ? Ferait-il exception ? Serait-il au-dessus de la critique ?
Ainsi, le fait qu’un mot ne prête pas immédiatement à confusion ne garantit pas sa justesse. En traduction religieuse comme en linguistique, l’exactitude d’un terme se mesure à sa conformité au sens qu’il prétend rendre, non à l’absence de désaccord à son sujet.
6. Traduire, ce n’est pas seulement remplacer un mot par un autre
Puis Yanis Abū ʿImrān وفقه الله conclut en affirmant : « Les solutions proposées comme alternatives ne relèvent plus de la traduction, mais revient […] à traduire par une phrase […] traduit une incapacité à traduire par crainte d’un problème inexistant. »
Cette affirmation ne repose sur aucun fondement traductologique solide et montre surtout une compréhension incomplète des principes de la traduction.
En effet, traduire ne revient pas simplement à remplacer un mot arabe par un mot français. La véritable traduction vise à restituer le sens complet que porte le mot, en tenant compte du contexte, de la fonction et de l’intention du message. C’est ce que les spécialistes de la traduction appellent l’« équivalence dynamique », qui vise non pas à copier la forme, mais à transmettre le sens, l’effet et la finalité du texte original(15).
Ainsi, la traduction n’est pas une opération mécanique, mais un acte d’interprétation raisonné, qui exige discernement et compréhension du fond. Refuser la glose, la paraphrase ou la note explicative au nom d’une prétendue rigueur revient donc à confondre fidélité et littéralisme.
L’usage d’une glose explicative — par exemple : « Tawḥīd : affirmation de l’unicité absolue d’Allah » — est d’ailleurs parfaitement conforme aux méthodes de traduction reconnues. C’est même la méthode privilégiée et la pratique la plus courante dans le milieu académique(16) : conserver le mot translittéré tel quel, puis le définir à sa première mention, par exemple : « Tawḥīd : affirmation de l’unicité absolue d’Allah ». Cette approche permet de préserver la portée doctrinale du terme tout en assurant une compréhension claire pour le lecteur.
Ainsi, contrairement à ce que soutient Yanis Abū ʿImrān, recourir à la translittération, à la périphrase ou à la note explicative fait pleinement partie de la traduction . Ce n’est ni de « l’exagération » ni le témoignage d’une « incapacité à traduire par crainte d’un problème inexistant ».
En réalité, l’exagération consiste plutôt à écarter, sans justification scientifique claire, des procédés de traduction pourtant reconnus par la discipline et validés par les savants.
Rappel méthodologique et éthique de la preuve
En définitive, et contrairement à ce qu’a affirmé Yanis Abū ʿImrān وفقه الله, traduire le mot Tawḥīd par « Unicité » n’est pas « la traduction la plus proche », pas plus qu’il n’existe d’accord de la « quasi-totalité des traducteurs » sur ce choix.
Cette modeste analyse a montré que le terme Tawḥīd connaît en réalité plusieurs traductions qui, bien qu’imparfaites sur le plan linguistique et théologique, sont aujourd’hui entrées dans la terminologie et l’usage courant des musulmans francophones.
Des expressions comme « Monothéisme », « Unicité divine » ou « Affirmation de l’unicité d’Allah » sont désormais employées, comprises et acceptées par les enseignants, traducteurs et lecteurs.
Cependant, la traduction la plus juste et la plus équilibrée, à la fois linguistiquement et théologiquement, consiste à conserver le mot Tawḥīd tel quel, accompagné d’une glose explicative à sa première mention, par exemple : « Tawḥīd : affirmation de l’unicité absolue d’Allah. »(17)
Les affirmations de Yanis Abū ʿImrān reposent donc sur plusieurs confusions méthodologiques, notamment celle qui consiste à confondre l’usage courant avec la justesse scientifique. Or, la rigueur intellectuelle — qu’elle soit linguistique, doctrinale ou traductologique — ne se mesure pas à la fréquence d’un mot, mais à sa fidélité au sens voulu, dans la langue comme dans la croyance.
Il importe néanmoins de rappeler que cet article n’a nullement pour objectif de discréditer Yanis Abū ʿImrān حفظه الله ni de mettre en doute sa sincérité. Au contraire, sa publication offre une occasion utile de réflexion et de rappel : celle de revenir à la preuve, que ce soit pour affirmer une idée ou pour la recevoir. C’est là le véritable esprit de la rigueur scientifique et de la recherche sincère : savoir démontrer, mais aussi se corriger à la lumière des preuves.
Puisse Allah – exalté soit-Il – nous accorder la sincérité, une science bénéfique et la fidélité à cette exigence de preuve, de précision et d’humilité, car c’est bien elle qui distingue la démarche savante de la simple opinion.
Écrit par l’humble serviteur espérant le pardon de son Seigneur :
1 :Voir « al-Bidāya wa al-nihāya », v. 14, p. 16 ; « Irshād al-sālik », p. 402 ; « Siyar aʿlām al-nubalāʾ », v. 8, p. 93 ; « Mukhtaṣar al-muʾammal fī al-radd ilā al-amr al-awwal », p. 662 : https://t.me/yanisabouimran/1749
3 : Voir « La traduction raisonnée : Manuel d’initiation à la traduction professionnelle », p. 274 : Voir « Fondements d’une théorie fonctionnelle de la traduction », p. 89
5 : Voir : « Lisān al-ʿArab », v. 3, p. 450
6 : Voir « Dictionnaire arabe-français », t. 2, p. 1498
7 : « Dictionnaire de l’académie française » : https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9U0073 ; « Le Robert dico en ligne » : https://dictionnaire.lerobert.com/definition/unicite8 : C’est d’ailleurs la traduction avancée par plusieurs dictionnaires spécialisés, tel que : « Dictionnaire général et scientifique de langue et termes », p. 260 ou encore« Kalimāt : le vocabulaire arabe », p. 278
9 : Voir « Approches linguistiques pour la traduction des textes religieux », v. 11, p. 399
10 : C’est d’ailleurs le choix que fait Yanis Abū ʿImrān dans la plupart de ses publications : il conserve le mot arabe translittéré Tawḥīd tel quel, sans le traduire. Voir par exemple :https://t.me/yanisabouimran/510 ; https://t.me/yanisabouimran/595 ; https://t.me/yanisabouimran/1351
11 : C’est, entre autre, le choix que Zayd al-Faransī et Abdullah al-Albānī حفظهما الله ont fait dans cette traduction : https://t.me/AliRamlifrancais/18212 : « Leçons de Tawhid »
13 : « Le livre du Tawhid (L’Unicité Divine) », « La croyance, le monothéisme (Les mœurs et des règles puisées du Coran) », « 100 questions et réponses au sujet de la croyance du monothéisme », « La parole du monothéisme La illaha illah llah »
14 : « L’Islām n’autorise pas la polygamie mais plutôt la polygynie. » : https://t.me/AtTayfaMansoura/1730
15 : Voir « Traduire : théorèmes pour la traduction », p. 42 ; « Madkhal ilā ʿilm al-tarjama », p. 27
16 : Voir « La traduction raisonnée », p. 73 ; « Fann al-tarjama », p. 63
17 : La définition du mot Tawḥīd peut naturellement varier selon le contexte d’étude : il peut désigner l’unicité absolue d’Allah dans Sa Seigneurie (Tawḥīd al-Rubūbiyya), c’est-à-dire le fait qu’Il est seul Créateur, Souverain et Ordonnateur ; Son unicité exclusive dans l’adoration (Tawḥīd al-Ulūhiyya), c’est-à-dire le fait que nul autre que Lui ne mérite d’être adoré ; ou encore Son unicité parfaite dans les Noms et les Attributs (Tawḥīd al-Asmāʾ wa al-Ṣifāt), c’est-à-dire l’affirmation de ce qu’Il s’est attribué sans altération, négation, déformation ni assimilation. Il ne s’agit donc pas d’imposer une formule unique, mais de préserver la justesse du sens et la richesse du concept tel qu’il est établi dans les sources scripturaires et les explications des savants.
