Comment les Salafs Ṣāliḥs méditaient sur le retour des péchés

 

L’homme a été créé faible. ﴿(1)

Cette parole divine révèle la nature profonde de l’être humain : fragile, faillible, sujet à l’erreur et à la chute. Mais elle rappelle aussi que la faiblesse n’est pas une condamnation, seulement une invitation permanente au retour, à la vigilance et à la prise de conscience.

C’est dans ce miroir que les Salafs Ṣāliḥs regardaient leurs cœurs, miroir que nous avons laissé s’éloigner.

Parmi les récits les plus marquants des Salafs Ṣāliḥs, de ceux que nous devrions relire continuellement et méditer profondément afin de nous réformer, tant ils réveillent ceux dont le cœur dort, se trouve cette scène saisissante rapportée par Masmaʿ ibn ʿĀṣim. Il dit : « Moi, ʿAbd al-ʿAzīz ibn Sallām, et Kilāb ibn Jurayy, et Sulaymān al-Aʿraj étions sur une côte parmi certaines côtes. Alors Kilāb se mit à pleurer jusqu’à ce que je craigne qu’il ne soit mort. Puis ʿAbd al-ʿAzīz pleura à son tour, puis Sulaymān se mit à pleurer avec eux. Par Allah, je ne sais pas ce qui les a fait pleurer. Quand ils eurent fini, je demandai à ʿAbd al-ʿAzīz : Ô Abā Muḥammad, qu’est-ce qui t’a fait pleurer ? Il dit : Par Allah, j’ai regardé les vagues de la mer sortir et rentrer, alors j’ai pensé aux péchés de l’homme et à leur retour sur lui ; voilà ce qui m’a fait pleurer. Puis j’interrogeai Kilāb : Qu’est-ce qui t’a fait pleurer ? Il dit : Quelque chose de similaire. Puis j’interrogeai Sulaymān al-Aʿraj : Pourquoi pleures-tu ? Il dit : Je ne savais que tous deux pleuraient, et rien ne me touchait autant que leurs pleurs ; ce n’est que la miséricorde qu’ils ressentaient les uns pour les autres. Qu’Allah leur fasse miséricorde. »(2)

Quelle vision bouleversante : des vagues qui reviennent inlassablement, et trois hommes dont les cœurs se fissurent sous la crainte d’Allah.

La mer avançait et se retirait comme une respiration immense, et eux y voyaient la trace de leurs fautes. Nous, souvent, ne voyons dans les vagues qu’un simple décor.

Ils voyaient dans chaque retour une mise en garde et dans chaque ressac un rappel. Leur lucidité les fit pleurer ; notre insouciance nous fait sourire.

 

Quand les vagues deviennent un miroir de l’âme

Eux pleuraient à cause de leurs péchés, alors que les nôtres s’accumulent comme la mer dépose ses vagues sur le rivage.

Et Allah dit : Toutes les mauvaises actions qu’ils ont commises leur apparaîtront, et ce dont ils se moquaient les cernera de toutes parts. ﴿(3) Ainsi, rien ne disparaît réellement : les péchés reviennent, encerclent et rattrapent celui qui les banalise.

Le Prophète a d’ailleurs dit : « Le croyant voit ses péchés comme une montagne sur le point de tomber sur lui, tandis que le débauché les voit comme une mouche qu’il chasse de la main. »(4)

Il avertit encore : « Prenez garde aux péchés que l’on minimise, car ils s’accumulent jusqu’à détruire l’homme. »(5)

Et il dit : « Lorsque le serviteur commet un péché, un point noir s’inscrit sur son cœur. »(6)

Ainsi se noircit le cœur, non pas d’un coup, mais vague après vague, faute après faute, jusqu’à devenir dur comme la pierre.

Et Ibn al-Qayyim — qu’Allah lui fasse miséricorde — a décrit ce processus avec une profondeur qui glace l’âme. Il dit : « L’origine de tout cela est que le cœur se couvre de rouille à cause du péché. Puis lorsque les fautes se multiplient, la rouille domine jusqu’à devenir un voile épais. Puis elle augmente encore jusqu’à devenir une empreinte scellée, un verrou, un sceau : le cœur se retrouve alors entouré d’un voile et d’une enveloppe. »(7)

Quelle peinture bouleversante…

Les péchés reviennent, s’accumulent, encerclent, jusqu’à éteindre la lumière du cœur — à moins que le serviteur ne brise leur cycle par un repentir ardent, vivant, urgent.

Les Salafs avaient bien saisi cela, jusqu’à le voir dans la création d’Allah et pleuraient en voyant les vagues revenir.

 

Le repentir avant le déferlement

Et nous ? Combien de vagues laissons-nous passer sans réfléchir ?

Combien de péchés reviennent sans que nous ne revenions à Allah ?

Combien de signes avons-nous ignorés, combien de fois notre cœur nous a-t-il parlé sans que nous lui répondions ?

Si les vagues ne cessent jamais de revenir, alors nos péchés aussi reviennent, sauf pour celui qui les brise par un repentir sincère, humble et authentique.

Ne laissons donc pas nos cœurs devenir un rivage sombre où la mer dépose chaque jour les traces de nos actes.

Revenons à Allah avant que les vagues ne se transforment en tempête et que les conséquences de nos péchés ne nous encerclent comme furent encerclés ceux qui se croyaient en sécurité et à l’abri de leurs fautes.

Repentons-nous tant que la mer est encore calme, tant que le temps est ouvert, tant que la porte n’a pas été refermée.

Et souvenons-nous de cette parole du Prophète qui clôt toute hésitation, dissipe tout désespoir et rouvre toutes les portes de la miséricorde : « Tous les fils d’Adam sont pécheurs, et les meilleurs pécheurs sont ceux qui se repentent. »(8)

 

Implorant Allah, dont la miséricorde embrasse toute chose, de nous accorder Son immense miséricorde, de nous pardonner nos fautes passées, présentes et futures, celles que nous connaissons et celles qu’Il connait mieux que nous.

Ô Allah, raffermis-nous vers l’œuvre qui suivra l’erreur et l’effacera. Purifie nos cœurs, rends-les vivants par Ta crainte et par Ton rappel. Compte-nous parmi ceux qui seront sous l’ombre de Ton Trône le Jour où il n’y aura d’autre ombre que celle-ci. Et fais-nous entrer dans les plus hauts degrés de Ton vaste Paradis, sans jugement ni châtiment, par Ta grâce, Ta générosité et Ta miséricorde.

 

Écrit par l’humble serviteur espérant le pardon de son Seigneur :

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1 : Al-Nisāʾ, v : 28 2 : Abū Nuʿaym « Ḥilyat al-Awliyāʾ » (n° 8756) ; Ibn Abī al-Dunyā « al-Riqqa wa al-Bukāʾ » (n° 56)

3 : Al-Nisāʾ, v : 80

4 : Al-Bukhārī (n° 6308)

5 : Aḥmad (n° 3818), Al-Ṭabarānī (n° 10500), et al-Bayhaqī dans « Shu’ab al-Īmān » (n° 7263) ; authentifié par Shaykh Al-Albānī dans « Ṣaḥīḥ al-Targhīb » (n° 2470)

6 : Muslim (n° 144)

7 : « al-Dāʾ wa al-Dawāʾ », v. 1, p. 60

8 : Al-Tirmidhī (n° 2499), Ibn Mājah (n° 4251), et Al-Dāramī (n° 2769) ; authentifié par Shaykh Al-Albānī dans « Ṣaḥīḥ Ibn Mājah » (n° 3447)