C’est une Sunnah délaissée ?!



Le Messager d’Allah (ﷺ) a dit « Celui qui instaure une bonne tradition aura sa récompense et la récompense de ceux qui ont oeuvré avec durant sa vie et après sa mort jusqu’à ce qu’elle soit délaissée … » (1)

Il est de ce fait inévitable que des Sunnah se voient délaissées avec le temps et l’éloignement de l’époque de la révélation.

Toutefois, Allah (ﷻ) a choisi au début de chaque siècle des individus pour faire triompher la vérité. Le Prophète (ﷺ) a dit : « Au début de chaque siècle, Allah envoie un réformateur qui renouvelle à cette communauté les affaires de leur religion » (2) ; et il (ﷺ) a dit : « Il ne cessera d’y avoir un groupe de ma communauté qui se tiendra sur la vérité. Et ils seront ainsi jusqu’à ce que vienne le commandement d’Allah [l’Heure] » (3)

Malheureusement, on entend de plus en plus fréquemment des individus, même parmi ceux affiliés aux études et la prédication, et lit sur des sites  » religieux  » et des chaînes et comptes de  » rappels  » que, telle parole ou tel acte Prophétique est une Sunnah délaissée qu’il convient de mettre en pratique et faire revivre.

Ils s’empressent de qualifier telle parole ou tel acte Prophétique de Sunnah délaissée sur la simple raison qu’ils viennent de la découvrir, ou parce que les personnes qui les entourent et côtoient ne la connaissent pas ou ne la mettent pas en pratique. Cela, sans même qu’un savant ne les ait précédés dans cette conclusion.

Ainsi, pour mieux comprendre ce sujet, savoir quand une Sunnah est effectivement considérée comme délaissée qui doit être mise en pratique, et mettre fin aux déductions infondées et précipitées de certains, il était nécéssaire de rédiger ces quelques lignes.

En effet, lorsqu’il a été demandé à Cheikh Muhammed ibn ۶Umar Bâzmûl (حفظه الله) :  » Quelle est le critère concernant les Sunnah abandonnées ? Nous est-il possible de compter parmi les Sunnah délaissées tout hadith rapporté que nous ne voyons pas être mis en pratique par les gens ? « , il a répondu : « Les Sunnah abandonnées sont celles qui ont été certifiées que le Messager (ﷺ) les faisait dans une intention d’adoration, et que les gens ont délaissé.
Donc, ce dont la chaîne de transmission n’a pas été authentifiée n’est pas une Sunnah.
Pareil pour ce dont la chaîne de transmission a été authentifiée et que les salafs ont délaissé la mise en pratique, ce n’est pas une Sunnah.
Il en est de même pour ce dont la chaîne de transmission a été authentifiée et que le Messager (ﷺ)  ne faisait pas dans une intention d’adoration et de se rapprocher d’Allah, ce n’est pas une Sunnah.
Tout comme ce qui a été certifié que le Messager (ﷺ) faisait dans une intention d’adoration et que les gens n’ont pas délaissé n’est pas une Sunnah abandonnée.
Ainsi, ce n’est pas tout ce qui est authentique à propos du Messager (ﷺ) qui est une Sunnah abandonnée, jusqu’à ce que sa mise en pratique dans une intention d’adoration soit certifiée.
Et certains individus ont de l’exagération à ce sujet. Chaque fois qu’ils trouvent un hadîth authentique à propos de quelque chose et qu’ils ne la voient pas connue par les gens ils se mettent alors à la considérer comme une Sunnah abandonnée. De ce fait, ils ne distinguent ni entre ce qui provient du Messager (ﷺ) sur la base de la nature humaine sans viser par cela l’adoration, ni entre ce que les salafs ont délaissé la mise en pratique. Au contraire, il se peut que l’on constate qu’ils ne prêtent pas attention au fait que ce hadith peut relever de la rubrique de ce qui a été abrogé, est équivoque ou spécifique, ou encore d’autres sens.
C’est pourquoi, j’affirme que le musulman ne doit pas se précipiter à conclure que ce hadith fait partie des Sunnah abandonnées à partir de l’authenticité du hadith uniquement … » (4) fin de citation


  De ce fait, avant de conclure qu’une Sunnah est délaissée il faut d’abord vérifier que le hadith est :

1- Authentique :
Le Messager d’Allah (ﷺ) a dit : « Quiconque rapporte de moi un hadith qu’il pense être un mensonge est alors un des menteurs » (5), et dans une autre version : « … est alors un des deux menteurs » (6)

– L’imam An-Nawawî (رحمه الله) a dit dans l’explication de ce hadith : « Il est interdit de rapporter le hadith mawdhû۶ – inventé – pour quelqu’un qui sait que celui-ci est mawdhû۶, ou pense fortement qu’il est mawdhû۶. Quiconque rapporte donc un hadith qu’il sait ou pense être inventé sans clarifier l’état de sa narration et de son invention sera alors inclus dans cette menace et inscrit dans la classe des menteurs à l’encontre du Messager d’Allah (ﷺ). Et cela est également démontré par le hadith précédent : « Quiconque rapporte de moi un hadith qu’il pense être un mensonge est alors un des menteurs ». C’est pourquoi les savants ont dit :  » Quiconque veut rapporter un hadith ou le mentionner doit vérifier. Ainsi, si celui-ci est authentique ou bon, il dira :  » Le Messager d’Allah (ﷺ) a dit telle chose, a fait telle chose « , ou des formules d’affirmation similaires. Et si celui-ci est faible, alors il ne dira pas :  » il a dit « ,  » il a fait « ,  » il a ordonné « ,  » il a interdit  » ou toutes autres formules d’affirmation semblables. Il dira plutôt :  » il a été conté de lui telle chose « , ou  » il a été rapporté de lui telle chose « , ou  » il a été narré « ,  » il a été mentionné « ,  » il a été raconté « ,  » il a été dit « ,  » il nous a été notifié « , ou ce qui y ressemble … » (7) fin de citation

Il faut donc vérifié que le hadith répond bien aux conditions d’approbation fixées par les savants de la terminologie ou qu’un savant du hadith l’ait authentitifé pour le certifier et l’affilier au Messager d’Allah (ﷺ).



2- Accomplit dans le but d’adorer Allah (ﷻ) :
Lorsque ۶Umar Ibn Al-Khattâb (رضي الله عنه) s’est penché vers la pierre noire [qui se trouve dans l’un des coins de la Ka۶ba, dans la mosquée sacrée de la Mecque] il a dit : « Certes je sais que tu n’es qu’une pierre, et si je n’avais pas vu le Prophète (ﷺ) t’embrasser alors je ne t’aurai pas embrassé » (8)

Ce récit de ۶Umar Ibn Al-Khattâb (رضي الله عنه) illustre donc qu’on ne peut déduire une Sunnah Prophétique que lorsque la parole ou l’acte mentionné a été accomplit dans l’intention d’adorer Allah (ﷻ) et se rapprocher de Lui (ﷻ). Étant donné que si cette pratique, à savoir embrasser la pierre noire de la Ka۶ba, n’était pas un acte que le Prophète (ﷺ) avait accomplit dans l’intention d’adorer Allah, ۶Umar Ibn Al-Khattâb (رضي الله عنه) ne l’aurait alors pas reproduite.


  3- Mis en pratique :
ِAprès avoir vérifié que cet acte ou cette parole est authentiquement affilié au Prophète (ﷺ), et qu’il (ﷺ) l’a accomplit dans l’intention d’adorer Allah (ﷻ), il faut s’assuré que cette Sunnah n’est pas abrogée ; générale ayant été accompagnée de ce qui vient la particulariser ; absolue ayant été accompagnée de ce qui vient la restreindre ; ou qu’il n’y a pas d’autres indices qui viennent lui apporter un autre sens que celui que ses termes expriment.

Par exemple, l’imam Muslim a rapporté dans son authentique le hadith de Buraydah ibn Al-Husayb Al-Aslamî (رضي الله عنه) dans lequel le Messager d’Allah (ﷺ) a dit : « Je vous avais certes interdit de visiter les tombes, maintenant visitez les … » (9)

Ce hadith démontre donc l’abrogement d’une Sunnah authentique, étant donné que le Prophète (ﷺ) a dans un premier temps interdit la visite des tombes puis l’a ensuite autorisé.

Également, ce hadith peut exemplifier la généralité d’un jugement qui a été particularisé, car dans celui-ci le Messager d’Allah (ﷺ) a autorisé la visite des tombes de manière générale, alors qu’il (ﷺ)  l’a particulièrement interdite aux femmes dans un autre. Abû Hurayrah (رضي الله عنه) a dit : « Le Messager d’Allah (ﷺ) a maudit les visiteuses de cimetières !  » (10)


  4- Délaissé :
Le Messager d’Allah (ﷺ) a dit : « Celui qui instaure une bonne tradition aura sa récompense et la récompense de ceux qui ont oeuvré avec durant sa vie et après sa mort jusqu’à ce qu’elle soit délaissée … » (11)

De ce fait, des Sunnah se verront inévitablement délaissées.


Il est donc interdit de conclure qu’une Sunnah est délaissée simplement parce qu’on vient de la découvrir, ou parce qu’on ne voit pas ou peu de personne la mettre en pratique autour de nous.

Pour affirmer cela, il faut impérativement retourner aux savants afin de s’assurer que cette Sunnah est authentiquement affiliée au Messager d’Allah (ﷺ), qu’il (ﷺ) l’a mise en pratique dans l’intention d’adorer Allah (ﷻ), qu’elle doit bien être mise en pratique, et que celle-ci se voit délaissée par les gens.

Et Allah (ﷻ) est plus savant, et nous Lui demandons de nous accorder la connaissance, le suivi, et la pratique de la Sunnah authentique de notre Prophète Muhammed (ﷺ), et de nous accorder de faire partie de ceux à propos desquels le Messager d’Allah (ﷺ) a dit : « Celui qui montre un bien a la même récompense que celui qui l’a fait » (12)

Écrit par :

Abû ۶Abd Ar-Rahmân ۶Âdil ibn ۶AbdiLlah As-SiqilîpastedGraphic.png

1 : Rapporté par At-Tabarânî (T : 22 / P : 74 / n°: 184), et dans « musnad as-shâmiyyîn » (n°: 2560), selon Wâthilah ibn Al-Asqa۶ Al-Laythî (رضي الله عنه). Cheikh Al-Albânî (رحمه الله) l’a qualifié de « bon, authentique » dans « sahîh at-targhîb wa at-tarhîb » (T : 2 / P : 66 / n°: 1222)

2 : Rapporté par Abû Dâwud (T : 4 / P : 451 / n°: 4243) – édition « Dar At-Ta’sîl » -, Al-Hâkim (T : 8 / P : 321 / n°: 8817) – édition « Dar At-Ta’sîl » -, et Al-Bayhaqî dans « ma۶rifah as-sunan wa al-athâr » (T : 1 / P : 208 / n°: 422) selon Abû Hurayrah (رضي الله عنه). Cheikh Al-Albânî (رحمه الله) l’a qualifié de « authentique » dans « silsilah al-ahâdîth as-sahîhah » (T : 2 / P : 148 / n°: 599)

3 : Rapporté dans l’authentique de l’imam Al-Bukhârî (T : 9 / P : 273 / n°: 7307) – édition « Dar At-Ta’sîl » -, selon Al-Mughîrah ibn Shu۶bah (رضي الله عنه)

4 : http://mohammadbazmool.blogspot.com/2015/01/blog-post_622.html

5 : Rapporté par Ahmed (T : 30 / P : 121 / n°: 18184) et (T : 30 / P : 150 / n°: 18211), At-Tayâlisî (T : 2 / P : 69 / n°: 725), At-Tirmidhî (T : 3 / P : 537 / n°: 2866) – édition « Dar At-Ta’sîl » -, At-Tahâwî (T : 1 / P : 373 / n°: 423), At –Tabarânî (T : 20 / P : 422 / n°: 1020), selon Al-Mughîrah ibn Shu۶bah (رضي الله عنه). Ce hadith a été authentifié par l’imam At-Tirmidhî (T : 3 / P : 306) – édition « Dar At-Ta’sîl » -, et Cheikh Al-Albânî (رحمه الله) dans « sahîh at-tirmidhî » (T : 3 / P : 62 / n°: 2662)

6 : Rapporté Ahmed (T : 30 / P : 121 / n°: 18184) et (T : 30 / P : 150 / n°: 18211) et (T : 30 / P : 174 / n°: 18240), l’imam Muslim dans l’introduction de son authentique (T : 1 / P : 306 / n°: 1) – édition « Dar At-Ta’sîl », et Ibn Mâjah (T : 1 / P : 192 / n°: 40) – édition « Dar At-Ta’sîl », At –Tabarânî (T : 20 / P : 422 / n°: 1020 – 1021) et (T : 20 / P : 423 / n°: 1022), selon Al-Mughîrah ibn Shu۶bah (رضي الله عنه). Ce hadith a été authentifié par Cheikh Al-Albânî (رحمه الله) dans « sahîh ibn majah » (T : 1 / P : 31 / n°: 39)

7 : Voir « al-manhâj sharh sahîh Muslim » (T : 1 / P : 71)

8 : Rapporté dans l’authentique de l’imam Al-Bukhârî (T : 2 / P : 418 / n°: 1610) – édition « Dar At-Ta’sîl », et de l’imam Muslim (T : 3 / P : 511 / n°: 1284) – édition « Dar At-Ta’sîl », selon ۶Umar Ibn Al-Khattâb (رضي الله عنه)

9 : Rapporté dans l’authentique de l’imam Muslim (T : 3 / P : 157 / n°: 989) – édition « Dar At-Ta’sîl »

10 : Rapporté par Ahmed (T : 14 / P : 164 / n°: 8449), At-Tirmidhî (T : 2 / P : 278 / n°: 1083) – édition « Dar At-Ta’sîl », et Ibn Mâjah (T : 2 / P : 188 / n°: 1558) – édition « Dar At-Ta’sîl », Al-Bayhaqî (T : 4 / P : 78 / n°: 7284). Ce hadith a été authentifié par l’imam At-Tirmidhî (T : 2 / P : 278) – édition « Dar At-Ta’sîl », et Cheikh Al-Albânî (رحمه الله) dans « irwa’ al-ghalîl » (T : 3 / P : 232 / n°: 774)

11 : Rapporté par At-Tabarânî (T : 22 / P : 74 / n°: 184) et dans « musnad as-shâmiyyîn » (n°: 2560), selon Wâthilah ibn Al-Asqa۶ Al-Laythî (رضي الله عنه). Cheikh Al-Albânî (رحمه الله) l’a qualifié de « bon, authentique » dans « sahîh at-targhîb wa at-tarhîb » (T : 2 / P : 66 / n°: 1222)

12 : Rapporté dans l’authentique de l’imam Muslim (T : 5 / P : 218 / n°: 1944) – édition « Dar At-Ta’sîl », selon Abû Mas۶ûd (رضي الله عنه)